Manifeste pour une Ecole équitable (1)

Publié le par Collectif

La baisse du nombre d’élèves justifie-t-elle les suppressions de postes ?

 

Le collectif Sauver Emily Brontë a mis à profit ses vacances pour élaborer et rendre publique une réflexion sur la réalité et les enjeux de la politique de suppressions de postes de professeurs. Ce travail comprend deux volets dont nous proposons, aujourd’hui, la première partie.

 

Dans ce premier texte, il s’agit de vérifier si l’argument gouvernemental de la baisse démographique est réellement pertinent. Le collectif a utilisé les chiffres officiels et nationaux de la rentrée 2008 mis en ligne sur le site de l’Académie Nancy-Metz (http://www.ac-nancy-metz.fr/Academie/prepa_rentree08/default.htm).

 

Un emploi d’enseignant supprimé pour quatre élèves en moins dans le secondaire.

 

Cette équation résulte de la politique du ministère qui estime la baisse des élèves à 34 283 et supprime donc 8 830 emplois de professeurs.

 

Ce ratio de 1 pour 4 paraît excessif si on le compare à celui appliqué pour les créations de postes. Dans le primaire, le ministère crée 1 emploi d’enseignant pour 24 élèves supplémentaires (+ 17 000 élèves / + 700 professeurs des écoles).

 

Selon cette règle du « 1 pour 24 », les suppressions en collège et lycée oscilleraient entre 1 400 et 1 500.

 

Question : La baisse des effectifs se déroule-t-elle sur l’ensemble du territoire ?

 

Plus d’élèves, moins d’enseignants.

 

La carte de l’évolution des effectifs pour la rentrée 2008 (http://www.ac-nancy-metz.fr/Academie/prepa_rentree08/Pdf/carte2.gif) indique cinq académies (Bordeaux, Guyane, Montpellier, Réunion et Toulouse) présentant un solde positif. Pourtant, selon des sources syndicales, elles perdent respectivement : 186, 20, 180, 73 et 184 enseignants.

 

Question : la baisse démographique ne serait-elle qu’un prétexte ?

 

8 suppressions de postes sur 10 ne s’expliquent pas par les évolutions démographiques.

 

Sur les 8 830 emplois, « le budget prévoit la suppressions de 1 500 emplois au titre des évolutions démographiques », soit 17 %. Si l’on rapporte ce chiffre de 1 500 aux 34 283 élèves en moins, on retrouve en effet la règle d’un professeur supprimé pour 23 élèves.

 

Et les autres postes supprimés ? Citons les motifs : « rationalisation des moyens », « mettre en adéquation les recrutements », « heures supplémentaires années »

 

Les heures supplémentaires méritent une attention particulière. Elles expliquent, à elles seules, 40 % des postes disparus, soit 3 500 emplois.

 

Question : un bon professeur est-il un professeur qui veut « travailler plus pour gagner plus » ?

 

Les heures sup’, c’est pas automatique !

 

En 2007, dans certaines académies, comme celle d’Aix-Marseille, « 18.6% des crédits académiques consacrés au paiement des heures supplémentaires n’ont pas trouvé preneur » (http://www.aix.snes.edu/spip.php?article396). L’attractivité des heures supplémentaires demeure donc très inégale. Elles alourdissent une charge de travail déjà conséquente : selon une enquête officielle du ministère de l’Éducation, en 2002, (ftp://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/dpd/ni0243.pdf), les professeurs effectuent 40 heures par semaine. La concentration intellectuelle et la disponibilité physique exigées par le métier diminuent au fur et à mesure de l’accumulation des journées. Le ministère en a d’ailleurs conscience, puisque réglementairement, il ne peut imposer plus d’une heure supplémentaire.

 

Financièrement, les heures supplémentaires sont une solution aléatoire pour le pouvoir d’achat. Ce n’est pas parce qu’un fonctionnaire les souhaite qu’il les obtiendra : elles sont attribuées annuellement, par le chef d’établissement. Les heures supplémentaires payées sont celles effectuées devant élèves. Le temps induit de préparation des cours et de correction demeure sans rémunération complémentaire.

 

Incertain au niveau individuel, le bénéfice des heures supplémentaires est encore plus discutable pour la collectivité. Se priver de 3 500 embauches n’apparaît pas comme le meilleur moyen de réduire le chômage. La remarque vaut pour les retraites. Ne pas remplacer un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique revient à dire qu’un actif sur les deux potentiels ne sera pas recruté.

 

Budgétairement, les heures supplémentaires relèvent en revanche d’un tour de passe-passe. D’un côté, les discours officiels martèlent l’impérieuse nécessité de diminuer le nombre d’enseignants (et des fonctionnaires). De l’autre côté, on augmente le temps de travail de ceux en activité. En d’autres termes, on conserve le travail, pas les travailleurs !

La logique comptable et strictement économique s’applique dans toute sa rigueur : multiplier les heures supplémentaires serait plus profitable que d’accroître les recrutements.

 

Question : l’Éducation Nationale doit-elle être gérée comme une entreprise ?

Publié dans Argumentaires

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